Retrouvez ici les souvenirs et histoires partagés par d’anciens sapeurs-pompiers d’Ille-et-Vilaine afin que leur mémoire perdure et se transmette aux générations actuelles et futures…

Remontée dans le temps : intervention à Rennes en décembre 1937

Souvenir du lieutenant Jean-Claude Lelièvre de L’Hermitage. Malgré l’issue tragique pour les deux compagnons de Joseph Lelièvre (père du lieutenant Jean-Claude Lelièvre – CIS L’Hermitage), cette intervention nous rappelle les grandes avancées qui ont été réalisées, depuis le début du 20ième siècle, dans les matériels et techniques d’intervention pour la sécurité des sapeurs-pompiers ainsi que la rapidité des sauvetages.

A Rennes, en décembre 1937, Joseph Lelièvre, employé communal à la ville de Rennes, lors d’une soudaine émanation de gaz délétère, alors qu’il procédait à un curage dans les égouts rue Quineleu, est sorti miraculeusement indemne du tragique accident qui a coûté la vie à ses deux collègues qui l’accompagnaient, tombés alors brutalement dans la conduite, asphyxiés.

Il réussit de justesse à rejoindre l’entrée distante de 100 mètres pour alerter les secours, grâce à son réflexe de protéger son visage immédiatement avec un linge humide. Il fit ouvrir un second regard situé plus loin espérant créer un courant d’air pour chasser le gaz et tenter de sauver ses camarades, en vain.
Au bout d’une heure de temps, les secours n’ayant toujours pas réussi à se rendre en sécurité jusqu’à l’emplacement où se trouvaient les victimes, ils ont entrepris la démolition de la voûte même afin de les atteindre, et ce, à coups de pioches et de pelles faisant appel à des terrassiers en renfort !
En attendant, une première tentative de sauvetage est engagée par un groupe de sapeurs-pompiers courageux et volontaires, dont Joseph Lelièvre lui-même, attachés entre eux par corde… Malheureusement, la longueur de la corde n’était pas suffisante pour parcourir les 100 mètres…

S’en suivirent de nouveaux volontaires munis de masques spécifiques aux sapeurs-pompiers de l’époque (ancêtre de l’Appareil Respiratoire Isolant – ARI), mais ceux-ci durent également renoncer car les tuyaux d’air, alimentés par des pompes manuelles par d’autres sapeurs-pompiers en surface, étaient eux aussi trop courts. La seule alternative était donc de démolir la voûte de l’égout… Pendant ce temps, des ingénieurs cherchaient l’origine de cette émanation de gaz.

C’est seulement après d’efforts intenses et de détermination, que les sauveteurs réussirent à atteindre les corps sans vie des deux jeunes égoutiers : Marcel Lafosse, 32 ans et Alphonse Denis, 30 ans). Les secours sortent alors les victimes le plus rapidement possible afin qu’ils soient mis sous appareil de respiration artificielle, médecins et infirmiers déjà sur place leur prodiguant des piqûres de caféine. Malgré les efforts de toutes les personnes engagées sur cette intervention particulièrement délicate, les victimes n’ont pas survécu, laissant derrière aux veuves et orphelins.

Cette impressionnante tentative de sauvetage a créé une émotion forte dans toute la ville. Se sont notamment déplacés sur les lieux et en personne, le Préfet, le maire de Rennes et ses adjoints, le commissaire central de la Police et le chef de la sûreté.
Aujourd’hui, les techniques d’interventions et les matériels d’équipement de protection individuelle tels que les ARI, permettent aux sapeurs-pompiers d’intervenir rapidement et sans risque dans de type de circonstances, même délicate.

Jean-Claude Lelièvre, alors tout jeune à l’époque, est le témoin de cette évolution des pratiques, s’étant lui-même engagé en tant que sapeur-pompier volontaire au centre d’incendie et de secours de L’Hermitage durant 24 années.

 

 

Nous avons une pensée pour les proches des victimes de ce dramatique accident.

Les arroseurs arrosés !

Histoire vécue et rapportée par le caporal Jean-Claude Courtin du CIS Hédé

Dans les années 1960, il n’y avait pas de moyens de radio et la coordination laissait à désirer. Pour alerter les pompiers, il fallait d’abord appeler la gendarmerie qui se déplaçait pour appuyer sur le déclenchement de la sirène située à la porte de la mairie. Et pour connaitre l’adresse du sinistre, les sapeurs-pompiers en partant passaient voir les gendarmes pour se renseigner sur le lieu où ils devaient se rendre.

Un soir, à la nuit tombée, un gros incendie se déclara dans un tas de paille dans une ferme entre les communes de Hédé et Guipel. Le feu se voyant de la route communale, des témoins appelèrent des deux communes. Ainsi, les deux centres d’incendie et de secours, Hédé et Guipel, se sont rendus sur le même incendie, mais ni l’un, ni l’autre ne le savaient. Arrivés chacun de son côté du feu, les équipes se placèrent face à face et, sans se voir, s’arrosèrent copieusement par-dessus le tas de paille pendant un certain temps, avant  de comprendre  pourquoi ils étaient trempés, et de faire connaissance avec leurs collègues qu’ils n’avaient pas vus arriver par l’autre côté.

Une intervention anecdotique, marquée dans nos souvenirs !

Tel est pris celui qui croyait prendre…

Histoire vécue et rapportée par le caporal Jean-Claude Courtin du CIS Hédé

L’année 1968 est l’année de mon engagement de sapeur-pompier. (…)

Les manœuvres se faisaient le samedi à dérouler et enrouler les tuyaux en un temps record. La compagnie comportait une douzaine d’hommes sous les ordres d’un adjudant. Un véhicule genre autocar pour transporter les hommes et une moto pompe attelée constituait nos seuls moyens pour aller au feu sur appel de la sirène installée au-dessus de la mairie. Le tout sous la responsabilité de la municipalité et le maire de l’époque. (…)

Au cours des années 1970, un incendie fut déterminant pour le devenir de la compagnie. Un après-midi, la sirène sonna : il y a le feu à la ferme de Maufant à Bazouges-sous-Hédé. Nous nous rendîmes avec notre moto pompe accrochée à notre camion. Je pris la lance en me mettant en position devant l’incendie pendant que mes collègues déroulaient les tuyaux vers l’étang à environ 200 mètres. Il n’y a rien de plus stressant pour un pompier en action que de se retourner, de voir que le tuyau reste plat et que l’eau n’arrive toujours pas. En fait, nous manquions de longueur de tuyaux et j’ai dû me replier. Pendant ce temps, les gens affluaient et critiquaient, heureusement, la compagnie de Tinténiac arriva avec leur citerne et prit le relais.

Le lendemain, le maire de l’époque me croisant dans la rue me lança une boutade en disant que j’avais eu l’air d’un charlot avec ma lance sans eau. Je le pris mal et lui assurais d’une revanche.
A la suite de quoi, je convoquais tous mes collègues pompiers à une réunion de Conseil municipal pour déposer notre démission si nous n’obtenions pas un camion-citerne. Le Conseil accepta et nous donna les moyens en achetant un camion à bestiaux d’occasion, une ancienne citerne à fioul de 1 500 litres et une moto pompe à adapter. A nous de l’équiper, avec nos moyens rudimentaires.
Ce fût fait les samedis au garage Renault avec Rémy, ouvrier mécanicien et pompier, pour la partie mécanique, et moi pour la tuyauterie. Rémy le peint en rouge ! Nous avions un camion de pompiers avec de l’eau cette fois, on pouvait « arroser » en première urgence !
Pour ma revanche avec le maire, un dimanche après-midi, la sirène sonna ! Un feu de broussailles dans les ravins des ruines du vieux château. Nous étions peu nombreux car il n’y avait pas de garde le dimanche. Nous arrivions à quelques-uns et le maire était présent. Je me suis attaché avec une corde avant de descendre dans les broussailles en lui demandant de tenir la corde, et que si j’étais en difficulté, je tirerais 3 coups sur la corde pour qu’il puisse me remonter.

Le feu étant éteint, j’ai attaché la corde à un arbre et j’ai tiré 3 coups. Le maire ne pouvant me voir me croyant en difficulté, tira à fond de toutes ses forces sur la corde. Etant inquiet de ne pas pouvoir me remonter, il appela à l’aide, et pendant ce temps, je remontai un peu plus loin. Je suis arrivé par l’arrière en lui tapant sur l’épaule et lui dit : « Alors Monsieur le Maire, on joue les Charlots !!! ». Il me répondit : « Ah le salaud !!! ».

J’avais eu ma revanche et la compagnie son camion-citerne !

Tombé dans les pommes… (à l’École départementale)

Vécue et rapportée par le capitaine Robert Dutay du CIS L’Hermitage

Au début des années 1970, nous sommes intervenus pour secourir une personne tombée dans un silo de pommes à la Distillerie de L’Hermitage. Ce silo mesurait 50 mètres de longueur, 15 mètres de largeur sur 10 mètres de profondeur. Il était rempli de pommes venant des producteurs de la région mais aussi venant par wagon de Normandie, ce qui représentait plusieurs centaines de tonnes. Ces pommes étaient évacuées par un caniveau recouvert d’un caillebotis situé au fond du silo, un courant d’eau les entrainait vers le broyage pour en faire du cidre ou de l’eau de vie. C’est alors qu’un employé s’est trouvé emporté par un tourbillon formé par les pommes qui descendaient vers le caniveau. A notre arrivée, la personne était recouverte par une hauteur de 5 à 6 mètres de pommes. Notre intervention a consisté d’abord à localiser la personne. Sans bruit extérieur, nous l’entendions appeler à l’aide. Il nous a fallu, avec des pelles et une pelleteuse, retirer plusieurs dizaines de tonnes de pommes en étayant  pour éviter qu’elles ne descendent (imaginez la scène !). Nous arrêtions complètement notre action toutes les 10 minutes pour repréciser l’endroit où se trouvait la victime et la rassurer. Il nous a fallu plusieurs heures pour l’atteindre. En attendant, nous envoyions de l’oxygène en bout de caniveau. Le médecin local, ne pouvant se libérer totalement, nous avait préparé une seringue avec un médicament que nous devions lui injecter dès son dégagement. Le SMUR n’existait pas à cette époque ! La victime enfin dégagée, saine et sauve, a été transportée à l’hôpital pour un examen complet. Elle est rentrée chez elle sans séquelle, mais vous imaginez, très marquée par l’inquiétude durant cette intervention (les intervenants également). Le lendemain, la presse écrite régionale titrait « UN OUVRIER EST TOMBÉ DANS LES POMMES ». Cette expression au sens figuré ne date pas de cette intervention bien entendu car dès 1889 cette expression existait, sans pouvoir aujourd’hui préciser son origine avec certitude. Aujourd’hui cette ancienne Distillerie appartient au Service départemental d’incendie et de secours d’Ille-et-Vilaine et fait partie de l’Ecole départementale où se trouve un plateau d’entrainement.